Merlin (dés)enchante le monde

Publié le par La Colline

Dès le 8 janvier, le collectif Les Possédés part jouer Merlin ou la terre dévastée sur les scènes de France. Une mise en scène à la fois sobre et déjantée qui donne vie à la légende arthurienne réinventée par le dramaturge allemand Tankred Dorst.

Comment mettre en scène une pièce qui compte près de 250 pages dans son intégralité tout en conservant le propos de l’auteur ? Tel est le défi que se sont lancés les membres du collectif Les Possédés en s’attaquant à Merlin ou la terre dévastée, l’œuvre majeure de Tankred Dorst. Double défi puisque le dramaturge allemand, né en 1925, reste peu connu du grand public en France.  Jouée pour la première fois en 1981, Merlin fait le récit à la fois épique et poétique de la création de l’Ordre des Chevaliers de la Table ronde. Le monde du roi Arthur n’est d’ailleurs pas étranger au nôtre. Le texte de Dorst revisite des thèmes fondateurs de notre civilisation, tels que le bien et le mal, la religion, la figure du héros ou la sexualité. «On avait le désir de sortir d’un théâtre épuré, centré autour de la famille comme chez Tchekhov et Lagarce. On voulait se diriger vers un théâtre plus épique pour se remettre en danger et changer de registre. Et L’écriture de Dorst demandait  de l’engagement réel », explique Rodolphe Dana, metteur en scène et interprète de Merlin. Dès les premières scènes, le ton est donné. Les acteurs n’hésitent pas à se mettre littéralement à nu au profit du spectacle. Mention spéciale à David Clavel, véritable incarnation du roi Arthur, qui nous fait vivre tous les états d’âme de son personnage. On le découvre adolescent timide, cheveux roux, t-shirt et baskets, puis homme tourmenté, chauve et grand manteau noir. La mise en scène de Rodolphe Dana fait la part belle aux acteurs.

Rire… jaune

Dès leur entrée en scène, les chevaliers sont présentés de manière burlesque, à la limite du loufoque. La scène clé de la légende arthurienne, où les chevaliers tentent d’extraire Excalibur de son bloc de pierre, est réduite à un défilé de chevaliers en jupe, tous plus idiots les uns que les autres. Sourires et clins d’œil au public, déhanchement à la manière d’Aldo Malccione… l’interprétation délirante du chevalier Gauvain par Gilles Ostrowsky déclenche l’hilarité dans la salle. A l’image d’Arthur,  Gauvain sombre dans le sérieux au moment de venger la mort de son frère Gareth. Peu à peu, les moments d’hilarité se mêlent à une réflexion plus profonde. La quête du Graal se fait quête spirituelle. Et le spectateur rit jaune. La teinte tragi-comique de la pièce peut perdre le spectateur, d’autant que la pièce n’évite pas quelques longueurs. Pendant près de 3h40 de spectacle Les Possédés mettent en évidence l’échec des  utopies dans un monde que  Tankred Dorst compare à « une terre dévastée ». On ressort forcément un peu chamboulé par une telle représentation. Preuve que la mise en scène de l’échec des utopies est une réussite.                                                                                                                                                                                                                                                                                                                              Delphine De Freitas
étudiante en Master 1 de Journalisme au CELSA

Merlin ou la terre dévastée de Tankred Dorst par Les Possédés. En tournée jusqu’au 17 mars.

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