Des chevaliers de la Table Ronde humains, trop humains

Publié le par La Colline

Le collectif Les Possédés s’approprie la légende des Chevaliers de la Table Ronde. Dans leur version de Merlin ou la terre dévastée, Merlin, Arthur et Lancelot quittent leur habit mythique pour une grande épopée humaine, entre universel et références historiques.

 

Tankred Dorst reprend pour la énième fois la légende du roi Arthur et de la quête du Graal. Mais sous la plume de cet auteur allemand, enrôlé dans la Wehrmacht en 1943, les chevaliers deviennent les marionnettes d’un magicien désireux de prouver à son père, le Diable lui-même, que l’humanité n’est pas vouée à faire le Mal. Et le monde arthurien s’en trouve détruit par l’utopie.

Merlin ou la terre dévastée, c’est la confrontation entre l’optimisme béat du naïf et la brutalité des faits. Écrite en 1981, la pièce a été mise en scène une soixantaine de fois dans le monde. Jamais intégralement, car le spectacle durerait environ neuf heures, nécessiterait des centaines de figurants et montrerait des combats de dragons.

Le défi qu’a relevé le collectif Les Possédés tient donc à une paire de ciseaux. Il fallait couper intelligemment la pièce pour la raccourcir et conserver sa majesté. Pari réussi. Comment ? En recentrant le spectacle autour des relations entre les principaux personnages. Merlin défie son père. Arthur aime Guenièvre, qui aime Lancelot. Mordret, fils illégitime d’Arthur, cherche à se faire entendre de Dieu comme d’un substitut pour son père qui ne l’aime pas.

Après Tchekhov et Lagarce, Rodolphe Dana, metteur en scène des Possédés (et Merlin dans la pièce) voulait monter un spectacle « plus épique, plus physique, plus shakespearien ». Dans Merlin, peu d’éléments de décor, mais quelques accessoires, un langage très oral (au risque de tomber parfois dans la cacophonie) et, surtout, des corps humains en mouvement à en faire pâlir d’envie les figures de marbre de la légende médiévale.

L’Arthur, le Perceval et le Mordret des Possédés, ce ne sont pas des mythes mais bel et bien des humains. Le roi Arthur se livre à un strip-tease pour conquérir l’amour de la belle Guenièvre. Perceval le naïf parcourt le monde à la recherche de Dieu et se prend à tuer en toute ingénuité. Et que dire de Gauvain, le valeureux chevalier, qui se trouve changé en homme à femmes clownesque abruti par son désir ?

 « Ce qu’on préfère, c’est quand il y a du sourire dans le drame », dit Nadir Legrand – Mordret dans la pièce. Pour le collectif, monter Merlin ou la terre dévastée était comparable à « un numéro d’équilibriste à plusieurs ». Empreindre le tragique de comique, le comique de tragique, tel était le parti pris des Possédés, qui rejettent le manichéisme de tels personnages.

Le collectif a décidé de conserver les scènes qui « posent des questions », comme celle, dérangeante, du matricide de Mordret. Un choix magnifiquement servi par le jeu des acteurs, qui jonglent habilement entre deux voire trois rôles différents au fil de la pièce.

 

Merlin ou la terre dévastée, de Tankred Dorst

Par le collectif Les Possédés

Jusqu’au 19 décembre au théâtre de la Colline,

15 rue Malte-Brun (20e)

01.44.62.52.52

 

 

Florie Kong Win Chang

étudiante en Master 1 de Journalisme au CELSA

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