Lulu, selon Braunschweig, Wedekind ou Zola ?

Publié le par La Colline

C’est l’évènement théâtral incontournable à La Colline, son nouveau directeur S.Braunschweig, metteur en scène, scénographe et Anne-Françoise Benhamou, dramaturge, présentent une nouvelle version de Lulu,  chef d’œuvre de Frank Wedekind. Dans le rôle-titre, Chloé Réjon,  entourée de treize comédiens, interprète avec vitalité cette figure.

L’héroïne Lulu, orpheline, est élevée par le Dr Doll (Philippe Faure) qui deviendra son proxénète. Adolescente,  la beauté rayonnante, elle devient une demi-mondaine riche et célèbre. Lulu, femme-enfant, piège de riches bourgeois à la vie sexuelle étriquée. Victime consentante de la libido des hommes et des femmes, Lulu redevient une pauvre prostituée assassinée et mutilée dans les bas-fonds londoniens.

 

L’actrice Chloé Réjon défend avec force et justesse son personnage. Elle passe avec fluidité entre les scènes et donne le ton à ses partenaires avec beaucoup plus de conviction dans la deuxième partie. Certains acteurs tirent leur épingle du jeu notamment Claude Duparfait, en Comtesse Martha, amoureuse de Lulu (à prendre au second degré).

 

Cette scénographie de Stéphane Braunshweig, situe la pièce dans l’époque moderne, avec la tournette, son clinquant kitsch, peep-show et « maison close », jeux de  miroir, couleurs clinquantes, psychédéliques. Dans une atmosphère ludique comme dans un cirque, Lulu présente « ses animaux » qui tourbillonnent et spéculent sur la virginité d’une fille de 13 ans. Cette scénographie donne du rythme et de l’intensité dans le jeu des acteurs. Malheureusement, certaines scènes s’enchaînent avec une telle rapidité qu’on ne comprend pas toujours ce qui se joue et on n’entend pas bien le texte. Des inégalités de jeu, pas complicité entre les acteurs et trop de saynètes, par cette scénographie, c’est un théâtre de récitants et non pas un théâtre d’action.

 

Le metteur en scène développe ses propres positions et voit Lulu comme un objet de la libido masculine, elle n’est pas un sujet désirant comme dans le texte de Wedekind. Stéphane Braunschweig a voulu nous montrer que le sexe est toujours dominé par l’argent. C’est un spectacle, certes dérangeant, dit-il, mais pas provoquant contrairement aux mises en scènes de Peter Zadek et de Hans-Peter Cloos. La mise en scène, moderne-kitsch, de Stéphane Brausnchweig montre un personnage aseptisé et compassionnel comme Nana d’Emile Zola. Lulu, passe du statut femme-fatale, objet, à celui de pauvre victime de la prostitution de rue. Ainsi Brausnchweig évite d’aborder le thème de l’émancipation sexuelle féminine, thème central pour Wedekind comme chez  Ibsen.  

 

La question n’est pas de juger le texte de Wedekind, ni ce qui est présenté à La Colline, partant de la première version, Stéphane Braunschweig a travaillé dix ans la crudité et la complexité de la pièce de Wedekind.

 

Si Wedekind pouvait être considéré comme transgressif, il n’y a en revanche aucune transgression ou subversion dans la pièce présentée à La Colline.

 

Un autre metteur en scène oserait-il présenter sur une scène parisienne la Lulu originelle de Frank Wedekind ?

 

Dilène Valmar

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article