HUBERT COLAS : LA FAMILLE A L’EPREUVE

Publié le par Théâtre National de la Colline

Une maman, un papa, un fils, une fille, deux intrus, un meurtre. C’est une dissection méthodique de la famille « enfermée dans l’apparence » que Hubert Colas nous donne à voir dans Sans faim et Sans faim 2 au théâtre de la Colline, à partir du 20 mars. Du théâtre qui bouscule par un auteur exigeant. A voir pour s’entrevoir.

 

Dans votre pièce, vous mettez à mal une famille idéale en y introduisant deux inconnus. Qui sont-ils ?

Hubert Colas : Ce sont des consciences de nos vies qui viendraient nous dire en face « Est-ce que tu aimes que je sois là ? Est-ce que tu aimes ce que tu es ? » Ces intrus, ces étrangers révèlent tout d’un coup à la famille leur part d’altérité, alors qu’elle était bloquée dans le simulacre des apparences.

 

Mais qui est cette famille ?

Dans Sans faim, la première partie, c’est « la » famille, objective. Dans Sans faim 2, la seconde partie, elle devient « une » famille, elle se personnifie. Du coup, chaque spectateur apprécie la pièce selon son rapport intime à la famille : soit le côté général, soit le côté spécifique.

On vit tous avec nos fantômes, nos projections, les spectres de nos parents même s’ils sont encore vivants. On vit tous avec une pression familiale qui peut nous bloquer, autant les parents que les enfants d’ailleurs.

 

C’est parce que nous avons tous notre histoire que vous laissez autant de liberté au spectateur ?

Entre autres. Je ne veux pas donner de sens, c’est d’ailleurs ce qui gêne dans mon théâtre. Ce qui m’intéresse dans un public, c’est qu’il puisse être en contradiction avec son voisin. On est libre de croire ce que l’on veut croire.

 

Vous laissez la même liberté à vos acteurs ?

Oui. L’idée du metteur en scène qui dirige tout du haut de sa vérité, c’est un formatage. Travailler comme cela, ce n’est pas rencontrer le public et les acteurs. Les acteurs sont aussi des auteurs, ils le deviennent en lisant et en interprétant le texte.

 

Liberté des spectateurs et des acteurs donc. Et la votre, celle de l’écrivain ?

Je ne pense à personne lorsque j’écris, j’essaye même de ne pas penser à moi. J’écris, je laisse écrire, je réécris. La libération de l’imaginaire permet de rentrer dans des perceptions de soi et de la société. Cela peut effrayer aussi. Le texte de Sans faim 2 est extrêmement frais et je suis parfois bouleversé par certaines parties que j’ai écrites.

 

Vous bouleversez le spectateur aussi, vous ne le ménagez pas.

Le rapport entre le public et le spectacle ne me semble pas devoir être forcément évident. Comme le rapport entre la famille et l’autre d’ailleurs, les intrus. La difficulté entre le public et le spectacle est la même que la difficile rencontre des corps étrangers avec la famille. La confiance se mérite dans toute relation. Avant d’être copains, on a des preuves à faire. Moi aussi, j’ai mes preuves à faire.

 


Propos recueillis par Alix Bayle,

dans le cadre d’un atelier de critique théâtrale avec les étudiants en journalisme du CELSA


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